La Bugée ou Bugeaille
En milieu rural, les grandes lessives, les bugées ou bugeailles, sont des temps majeurs de l'année. Elles réunissent les femmes à l'aube du printemps, lorsque les travaux des champs ne les retiennent pas.
Les grandes lessives

En Poitou, tout au long de l'année, le linge, des draps aux torchons, est "essangé", c'est- à-dire décrassé, sans le faire bouillir, en le savonnant au lavoir ou à la maison, dans une "bassiotte". Séché et rentré, ce linge est plié sommairement, monté au grenier et disposé sur la "perche" suspendue au plafond à l'abri des rats.

Une fois l'an, les effets sont entassés dans une "ponne", le gros linge au fond, le linge fin au-dessus. Des cendres de bois neuf, recueillies toute l'année dans le potager de la cuisine, sont placées au fond du cuveau.

Ensuite, on "coule" la lessive. A l'aide d'un petit récipient prolongé d'un long manche en bois, "le ponau" ou pot à bugeaille, de l'eau bouillante est versée sur le linge. Elle filtre à travers toutes les épaisseurs successsives et s'écoule par un "trut ou

La bugée se faisait dans de grandes cuves calcaires appelées "ponnes", fixées à demeure dans la buanderie. Posées sur un socle de pierre, à environ 80cms de hauteur de manière à ce que leur orifice inférieur puisse se vider dans la chaudière oû l'on fait bouillir l'eau.
pisserotte" dans un seau placé sous la ponne. Ce "lessi" était maintenu bouillant dans un cuvier de fonte ou "pouéloune" disposé sur un feu de bois; l'opération se répète pendant des heures jusqu'à l'obtention d'un résultat parfait.

Le lendemain, le linge encore brûlant est "décuvé" et chargé sur des brouettes pour être rincé au lavoir, la meilleure place se trouvant à "l'oeil" près de la source. Les lavandières se munissent de l'instrument emblèma-tique qui assènera à la saleté le coup de grâce: le battoir ou "battou". Elles placent le linge sur la margelle du bassin, le savonnent, le battoir les aidant à bien faire pénétrer le savon dans les fibres. Jusqu'à ce que propreté s'ensuive, la pièce est à nouveau mouillée, frottée, battue, examinée sous toutes les coutures et tordue. Le lin-ge, après avoir baigné dans le bassin de rinçage, s'égoutte et sèche sur des tréteaux ou des barres installées à demeure, quelquefois étendu sur l'herbe ou sur une palisse. Cette ultime étape de la lessive est la plus redou-table, pouvant durer des heures..... Courbatures et rhumatismes assaillent les lavandières.

Les lessives quotidiennes.

Si les bugées concernent surtout le gros linge, il faut aussi laver les vêtements quotidiens. quand une famille "est en lessive", elle demande à ses voisines et amies d'apporter leur "paquet". Ces savonnages hebdomadai-res multiplient les contacts conviviaux et les lavandières savourent les joies du bavardage. . . Bien audacieux, l'homme qui ose y aventurer sa bonne mine : sa tête est savonnée sur le champ!

Texte relevé dans le "Lavoir à Suzon" au Marchais de Fomperron (illustration de Jean-Louis Verdier)........ Retour